10 000 heures, c’est le temps qu’il vous faudrait pratiquer - une discipline, un art, une technique - avant de devenir un expert. S’il ne l’a pas inventé, le journaliste américain Malcolm Gladwell a fait connaître au grand public cette fameuse Règle des 10 000 heures. Il en a parlé dans son best-seller Outliers (Les Prodiges, 2008), un essai qui ausculte les raisons du succès.
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Bill Gates, Les Beatles et vous… même combat...
Ainsi, le fondateur de Microsoft, Bill Gates, a pu faire fortune dans le monde de l’informatique, car l’étudiant qu’il était a eu la chance de pouvoir passer des nuits à programmer sur un terminal d’ordinateur (chose rare à l’époque), au lieu de s’adonner à des activités, disons, plus compatibles avec la puberté.
Et Les Beatles sont devenus Les Beatles, car avant de faire s’évanouir les foules de jeunes filles en délire, les quatre garçons dans le vent s’étaient farcis pas moins de 270 spectacles (en 2 ans) à Hambourg en Allemagne. Avant même d’enregistrer leur premier disque, ils avaient déjà donné plus de spectacles que la majorité des groupes de l’époque, même les plus connus.
Et c’est ainsi que, dans son livre, Malcolm Gladwell réussit presque à nous faire croire, à force d’exemples éloquents, que la Règle des 10 000 heures a quelque chose de magique.
Moi, vous, nous tous pouvons devenir experts et connaître le succès : il suffit de se farcir 10 000 heures de pratique. Version moderne de l’adage «Le succès est une goutte de talent dans un océan de travail», la Règle des 10 000 heures a l’avantage de chiffrer l’ampleur de «l’océan de travail» en question.
Mais d’où sort ce chiffre? Et doit-on le prendre au sérieux? 10 000 bémols !
Ceux qui croient qu’il suffit de s’exercer suffisamment longtemps pour devenir un expert dans un domaine donné ont tort, disent certains chercheurs. L’exemple de la conduite automobile est frappant. Des millions de personnes conduisent pendant plus de 10 000 heures au cours de leur vie, sans nécessairement développer les compétences d’un pilote de Formule 1. Des études menées dans plusieurs domaines d’activité, tels que la médecine, la psychiatrie, la haute finance, en sont venues aux mêmes conclusions. En ce qui concerne certaines tâches critiques d’une profession (par exemple, poser un bon diagnostic pour un médecin), on n’a pas trouvé de différences notables entre les médecins d’expérience et les plus jeunes. Dans certains cas, des candidats plus «expérimentés» faisaient même moins bien que les débutants! Bien sûr, ce n’est pas le cas pour tout le monde. Retenons cependant une chose: dénombrer bêtement le nombre d’années d’expérience n’est pas une donnée suffisamment précise pour juger de l’expertise d’une personne.
L’art de la «pratique délibérée»
Dans son livre Ne surestimons pas le talent (2008), le journaliste américain Geoff Colvin rapporte que le développement d’une expertise ne viendrait ni tout à fait du talent, ni tout à fait de l’effort. Ce serait plutôt le fruit d’une «pratique délibérée».
La pratique délibérée (deliberate practice) est une trouvaille du professeur en psychologie de la Florida State University, K. Anders Ericsson. En gros, elle nous dit que ce n’est pas la QUANTITÉ de temps qui compte, mais COMMENT on s’exerce à un art, une discipline, un métier.
Pour mettre en œuvre la pratique délibérée, vous devez notamment :
- Décortiquer et identifier les différentes habiletés à maîtriser pour devenir un pro dans un domaine.
- Consacrer à la pratique un effort soutenu, intense et quotidien.
- Obtenir les rétroactions fréquentes d’un coach, d’un mentor ou d’un collègue.
- Pratiquer l’autocritique; analyser ses succès comme ses erreurs.
- Maintenir l’ambition d’atteindre des niveaux d’habiletés toujours plus avancés.
C'est donc la pratique délibérée pendant une longue période de temps qui mènerait à l’excellence. Et, convenons-en, découvrir ce qu’implique la pratique délibérée en fait un concept pas mal plus décourageant que la Règle des 10 000 heures…