Nous le savons tous, faire une pause, surtout quand on travaille fort, ça fait du bien. Beaucoup de bien. La tension diminue, les muscles se détendent et le cerveau respire enfin un peu. Mais voilà, vous êtes-vous déjà demandé quelle était la durée optimale d'une pause au travail? Et même, quel était le nombre idéal de pauses dans une journée ?
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C'est en cherchant à le savoir que je suis tombé sur une étude intitulée The impact of time at work and time off from work on rule compliance: The case of hand hygiene in healthcare. Celle-ci est signée par trois professeurs de management : Katherine Milkman, de Wharton (États-Unis), assistée de son élève Hengchen Dai, ainsi que Bradley Staats et David Hofmann, tous deux de l'École de commerce Kenan-Flagler (États-Unis).
Les quatre chercheurs ont noté que les entreprises rivalisaient toutes, de nos jours, d'efficacité et de productivité, sans pour autant rogner sur la qualité des produits ou services offerts. La priorité des priorités, c'est toujours d'afficher les plus hauts standards professionnels. Mais voilà, comment peut-on véritablement poursuivre un objectif aussi ambitieux quand on en demande tant et plus aux employés? N'y a-t-il pas là une contradiction évidente?
Pour en avoir le cœur net, ils se sont penché sur une base de données particulière de Proventix, une firme américaine spécialisée dans le conseil auprès du milieu de la santé. Cette base de données concernait exclusivement le lavage des mains du personnel hospitalier : de janvier 2010 à octobre 2012, une puce RFID avait été fixée sur les badges de 4 211 employés œuvrant dans 37 hôpitaux différents, ce qui avait permis de tout savoir sur chacun de leurs gestes durant la journée de travail. Et notamment, d'enregistrer toutes les fois où ils s'étaient lavé les mains – l'un des standards professionnels en milieu hospitalier, rappelons-le.
Au total, les quatre chercheurs ont ainsi pu analyser plus de 14 millions de lavages de mains effectués durant trois années dans des hôpitaux américains. Et qu'ont-ils découvert? Ceci :
> Un énorme relâchement. À mesure que la journée avance, le personnel hospitalier a tendance à se laver les mains de moins en moins fréquemment. C'est-à-dire qu'en début de journée, le lavage de mains se fait correctement, puis on sent un relâchement progressif au fur et à mesure que les heures passent. Ce relâchement est chiffré : en moyenne, on dénombre 32% moins de lavages de mains en fin de journée par rapport au début de journée, pour un quart de travail de 12 heures (la norme dans les hôpitaux considérés).
> Un relâchement accru par l'intensité de travail. Plus le travail est intense, plus le relâchement est prononcé. À noter que cela ne résulte pas d'un manque de temps pour se laver les mains, mais plutôt d'un oubli, tant l'esprit est occupé par les tâches à accomplir dans l'immédiat.
> Le bienfait d'une pause. Il suffit au personnel hospitalier de prendre une vraie pause pour retrouver aussitôt après une bonne fréquence de lavage des mains. C'est-à-dire que si l'employé en question n'écourte pas, pour une raison ou une autre, sa période de pause normale, et que si celle-ci a lieu dans un espace au calme, coupé du terrain où se déroule l'action, alors les bonnes habitudes sont vite retrouvées. Et inversement, que si la pause n'est pas efficace, les répercussions négatives sont immédiates.
> Le facteur aggravant de la fatigue accumulée. Plus l'employé en question additionne les heures supplémentaires, plus le relâchement s'aggrave. Et ce, même s'il prend tout de même des pauses convenables. Ce qui montre, pour ceux qui en douteraient, que la fatigue accumulée a une incidence directe sur la qualité du travail effectué.
«Tout cela montre sans l'ombre d'un doute que les environnements de travail exigeants sont néfastes pour le respect des standards professionnels, et même bien plus qu'on ne pouvait le penser a priori, puisque les effets s'expriment en l'espace de quelques heures seulement. Il suffit par conséquent d'un rien – des pauses mal prises, etc. – pour amener les employés à oublier la routine minimale, et donc pour voir décliner la qualité des produits ou services offerts», soulignent les quatre chercheurs dans leur étude.
Comment corriger le tir? C'est assez simple, me semble-t-il. On peut, par exemple :
> Prenez scrupuleusement vos périodes de pause. Prenez le temps de décrocher de votre travail et rendez-vous dans un lieu où vous serez loin de l'action. Non pas pour griller une cigarette, mais pour vous isoler des autres et du bruit, ou bien pour vous ressourcer en discutant avec vos collègues qui ont, eux aussi, envie de discuter et de respirer à l'écart du bureau.
> Ajoutez une période de pause surprise à votre journée. Car elle vous fera un bien fou. Bien entendu, il ne s'agit pas de planter les autres là, à l'improviste. Mais plutôt de repérer le matin dans votre agenda un moment de battement où vous pourrez en profiter pour vous éclipser. Sans prévenir. Juste comme ça. Vous en reviendrez avec une énergie folle.
> N'étirez pas trop vos périodes de pause. L'idéal est que vous vous arrêtiez le temps de penser à autre chose qu'au travail, de rêver même un peu, si cela est possible. Plongez-vous dans de toutes autres pensées que celles liées au travail, savourez-les, puis revenez progressivement à la surface. Comme un plongeur en apnée. C'est-à-dire juste le temps d'une "respiration mentale", pas plus, sinon vous risquez de ne plus être capable de revenir à la surface, et donc de ne plus avoir la force de revenir au travail.
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